Gertrude Stein - Autobiographie d’Alice Toklas.
Gertrude Stein
Autobiographie d’Alice Toklas.
Editions Galliard – 1934
Il y a de la schizophrénie à se mettre dans la peau de sa compagne pour écrire sa propre biographie. Moi, lectrice, je me mets aussi à distance par rapport à ce qui est écrit. Le ‘Je’ devient ‘Elle’. Le ‘Elle’ devient ‘Moi’. Mais ce qui est raconté est passionnant, une fois ce paradoxe accepté et dévoilé uniquement à la dernière page. Personne ne l’a mieux connue qu’elle-même (p 78). Cette méthode lui permet aussi d’analyser son écriture et ses sources d’inspiration avec le temps. Gertrude assume ses idées et ses différences. On dit bien « On ne se connaît pas soi-même » ? Donc Gertrude réécrit son histoire. A commencer par son lieu de naissance qui ne lui plaît pas, les environs de Pittsburg. Ce sera la Californie ! Gertrude a écrit des romans, du théâtre, de la poésie, des descriptions de tableaux aimés, des élégies d’artistes (dont celle de Juan Gris, après sa mort) (p 255). William James lui avait conseillé de conserver sa liberté d’esprit (p 89). C’est chose faite. Gertrude adorait les intrigues et les conflits entre les gens (p 91). Malheureusement, elle n’a pas souvent été prise au sérieux (p 25). Vingt-cinq ans de leur vie commune sont racontés dans ce livre (p 267). Le couple a rencontré toute l’élite intellectuelle et artistique européenne et américaine. Hélène, leur cuisinière devra cesser de travailler pour elles en 1914, « selon les ordres de son mari » (p 156).
La question de l’oubli et du pardon est soulevée. Il peut y avoir du pardon et pas d’oubli. Et encore, pas de pardon et pas d’oubli. Ce fut la posture adoptée par Gertrude vis-à-vis de sa propre mère (p 81). Les enfants éprouvent de l’antipathie pour leurs propres parents car ils sont trop proches d’eux quand ils ont besoin de liberté, et préfèrent leurs grands-parents (p 88).
Gertrude Stein était raciste envers les Noir-e-s : "leur grande misère ne tient pas à la persécution mais à leur néant. Les Africain-e-s ont une culture très ancienne et très étroite et iels n’en bougent pas » (p 253).
Alice rencontre Gertrude Stein qui fait partie des trois génies de l’époque avec Picasso et Whitehead (p 11). N’en jetez plus, la cour est pleine ! Matisse trouve Gertrude rusée (p 17) et elle est dépeinte comme une femme coléreuse (p 17).
Les personnes sont obsédées par l’idée d’aller à l’atelier du 29 rue de Fleurus pour voir les tableaux et les dessins achetés par Gertrude et son frère (p 19).
Fernande Picasso est surnommée de « femme décorative », et madame Matisse de « femme d’intérieur » (p 20)
Quand Vollard a payé un atelier à Picasso, celui-ci a pu se séparer de Fernande en lui donnant la moitié de la valeur de l’atelier (p 25). C’était honorable. Vollard s’est ruiné pour Cézanne jusqu’à ce qu’il lui a trouvé un public (p 256). Vollard était un homme grand, noir et qui bégayait un peu. Son magasin se situe rue Laffitte (p 36). Il était gai de caractère (p 37).Il est le seul, au début des années 1900, à vendre des Cézanne. Il est féru de cuisine et aime manger (p 46).
Picasso se demande « Pourquoi se marier pour divorcer ensuite ? » (p 31). Quelle prophétie… Gertrude trouve que Picasso à une vision magique, à l’espagnol, de la vie. Elle est amère et douloureuse (p 86). Picasso a commencé à peindre au Ripolin quand il vivait à Montrouge (p 152). Eve, (= Eva Gouel, cubiste, NDLR) sa nouvelle compagne, meurt à Montrouge à la fin de la Première guerre mondiale (p 181). La Princesse de Polignac accompagnera Picasso chez Gertrude pendant la Première Guerre mondiale (p 181). En 1918, il épouse « une vraie jeune-fille » (= Olga Khokhova, NDLR) (p 199). Gertrude rencontrera la maman de Picasso lors d’un séjour à Antibes vers 1922 (p 235). Parce que Gertrude aime les cochons, Picasso lui en dessinera plusieurs (p 98).
Guillaume Apollinaire était radin et détestait se séparer de son argent (p 67). Elle revient plus tard sur sa répugnance à payer (p 107). Après la mort de sa maman, Marie Laurencin rompt avec Apollinaire car il ne représente plus d’intérêt. Sa mère appréciait Apollinaire, mais morte, cela ne suffit plus. Marie épouse un Allemand qui lui fait penser à sa maman. A cause de la Première guerre mondiale, elle est obligée d’aller vivre en Allemagne. Elle divorcera pour pouvoir rentrer en France (p 70). Marie chante des chansons normandes à la fin d’un banquet en l’honneur du douanier Rousseau à Montmartre (p 116).
Dans l’atelier de Matisse, un Hongrois a causé un scandale en mangeant la mie de pain qui servait de gomme aux étudiants. Cet événement révèle les problèmes d’hygiène alimentaire et la misère qui existaient (p 75).
Georges Braque, médaillé de guerre, s’est fait traiter de « cochon de Normand » par un expert avec qui il s’est disputé après la guerre de 14-18.
Epstein, l’auteur de la statue des sphynx dédiée à Oscar Wilde , fait partie de l’entourage (p 136).
André Gide passe une soirée en leur compagnie, à Florence, dans la villa Curonia de Mabel Dodge, mais la soirée fut ennuyeuse (p 142). Plus tard, Gertrude retire Gide de la liste des génies « Picasso – Stein – Gide » (p 26). !
Marcel Duchamp ressemblait à un jeune croisé normand (p 144).
Un Américain, John Reed, a vu des sorcières poursuivies dans les rues de Salamanque p 145).
En 1914, à Londres, Gertrude, pour toucher de l’argent, s’aperçoit que son cousin, de France, connaissait son poids et sa taille. Quatre ans plus tard, elle le rencontre et lui demande comment il le savait. « Par l’ambassade américaine » ! Pas besoin d’Internet pour connaître la vie intime des personnes, NDLR.
Gertrude parle de l’arbre de Victor Hugo, boulevard Raspail, en 1915 (p 170).* Les Américains sudistes se passaient « Les Misérables » de Victor Hugo de main en main pendant la guerre de Sécession (p 254).
A Majorque, pendant la guerre de 14-18, aucune femme ne savait ni lire, ni écrire (p 177).
Gertrude pense que Fitzgerald, qui a écrit Gatsby le magnifique, sera encore lu après sa mort, quand d’autres illustres écrivains seront oubliés (p 233). Elle ne s’est pas trompée.
En 1925, pour préparer une conférence à Oxford, elle va chez Nathalie Barney (p 248). Plus loin, Sherwood Anderson fait une description peu élogieuse de Nathalie Barney : « C’était une réception pour une grosse femme qui avait l’air d’un train de marchandises déraillé » (p 261). Ouah !
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Gertrude Stein, un esprit libre jusqu'à la fin de sa vie.
Par Evelyne Ferron, historienne;
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