Nicole-Claude Mathieu a été l’une des pionnières du « féminisme matérialiste » en France

Publié le par bmasson-blogpolitique

 

~~Maîtresse de conférence à l’école des hautes études en sciences sociales, Nicole-Claude Mathieu a été l’une des pionnières du « féminisme matérialiste » en France aux côtés de Christine Delphy, Colette Guillaumin ou encore Monique Wittig.

Né d’une branche du MLF, le Mouvement de Libération des Femmes, le féminisme matérialiste interroge le patriarcat au regard des analyses marxistes. Il démontre que la domination des hommes sur les femmes repose sur des pratiques matérielles, comme le travail domestique.

Il existerait un mode de production patriarcal imbriqué avec le mode de production capitaliste. Les féministes matérialistes s’opposent diamétralement au « féminisme essentialiste ».

 

~~Elle est opposée aux anglo-saxonnes :

Margaret Mead qui a montré la relativité culturelle des rôles sociaux de sexe et de

Ann Oakley (GB) qui en 1972, a proposé de regrouper ces rôles arbitraires dans le concept de ‘genre’ pour les différencier de ‘naturel’, le sexe.

Matthieu nomme les rapports sociaux et la question du pouvoir.

Niveau micro des rapports sociaux : relations sociales, interactions entre individus, assez aisément négociables et modifiables.

Niveau macro des rapports sociaux : rapports sociaux, invisibles à l’œil nu, et très stables en dehors des luttes collectives.

« Il ne s’agit pas tellement de chercher les femmes « derrière » les formes sociales manifestes, mais de voir dans les structures sociales étudiées, la signification de leur absence ».

Matthieu, 1985b, p 126. Pour Matthieu, il s’agit de construire la science des « opprimé-e-s », annoncée par Wittig, Guillaumin* ou Juteau.

---------------------

*

« La race n’existe pas, mais elle tue »

Colette Guillaumin,

L’idéologie raciste

1972

------------------

 

~~Matthieu n’a rien de victimiste.

La dernière page de son livre « l’anatomie politique » présente une photo d’une femme de 90 ans brandissant des armes à feu ayant fait fuir les voleurs* qui voulaient la dévaliser. Les femmes peuvent résister aux agressions de manière directe, violente, et pas uniquement symbolique.

*

Marseille

Tag

"Le voleur: loop 1 voler prim 4."

 

Tag

L'homme voleur 

Harfleur

---------------------

 

~~Par opposition à Saladin d’Anglure (le troisième sexe), elle développe trois concepts de l’élaboration de l’identité sexuelle :

- basée sur une conscience individualiste du sexe : groupes homosexuels, lesbiens, trans, queers

- basée sur une conscience de groupe : sociétés traditionnelles et groupe lesbiens occidentaux

- basée sur une conscience de classe : les lesbiennes politiques, et les féministes matérialistes, groupes de femmes en lutte en Chine et au Sierra Leone.

---------------

 

~~Pour elle, le problème de la classe des femmes est son infériorité par rapport à la classe des hommes, l’obligation à la maternité sociale et l’absence d’accès aux ressources.

------------

 

~~Quand céder n’est pas consentir..

Godelier affirme que les femmes consentent à leur situation.

Nicole-Claude Matthieu réfute cette thèse. Au terme de domination, elle préfère celui d’oppression qui implique les notions de violence, d’excès, d’étouffement.

Premier aspect : le matériel de la vie des femmes : l’épuisement physique chronique et la dénutrition généralisée

Second aspect : le partage inégal de la « culture » selon le sexe (alphabétisation, éducation scientifique ou sexuelle, connaissances religieuses, philosophiques ou ésotériques)

Troisième aspect : être ou ne pas être. Les femmes doivent adhérer aux valeurs dominantes de ‘leur’ société, tout en sachant rester à ‘leur place’, voire en incarnant le contraire de ce qui est considéré comme masculin.

-------------------

 

~~Matthieu et Bourdieu.

Bourdieu sort en 1998 « La domination masculine » et fait un tabac.

Son concept de violence ‘symbolique’ pose problème. Matthieu souligne la violence matérielle que subissent les femmes de la part des hommes. Bourdieu pense que l’amour est un remède à la domination masculine. Il oublie que la violence contre les femmes s’exerce en famille par les personnes censées les aimer.

--------------

 

Nicole-Claude Matthieu se demande s’il ne s’agit pas d’une démonstration particulièrement voyante de la domination masculine qui redouble l’oppression des femmes par la suppression ou la distorsion de leurs expériences, et de leurs analyses. »

Matthieu 1999 p 298

----------------

-----------------

Autre article:

Le féminisme s'intègre au sein d'un rapport complexe:

Engels reconnaissait : « La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure exercent également leur action dans les luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme ».

Les superstructures : ce sont tous les modes de production intellectuelle, des fabriques d’idéologies, produits et reflets des structures en place dont elles constituent la justification et le support. Elles comprennent : l’Etat, les institutions politiques, les partis politiques, les associations, les intellectuels et surtout la famille et l’école, ces deux derniers éléments de la superstructure étant les plus importants pour la reconduction de l’oppression.

Un exemple de l’efficacité des éléments de la superstructure : mai 1968, où une lutte idéologique – la révolte des étudiants – a déclenché une lutte économique et politique. Toute révolte et toute lutte au niveau des superstructures peuvent donc être prépondérantes. Or, la femme, par son importance dans le domaine de l’éducation, de l’école, de la famille, représente un élément capital de la superstructure (et les partis de droite le savent bien, dont l’idéologie s’oppose à la libération de la femme).

La femme est également impliquée dans tous les autres éléments constitutifs de la superstructure (femmes dans les Partis, parfois à la tête d’un Gouvernement, femmes écrivains, etc.) Le féminisme, en conséquence, joue un rôle décisif et diversifié dans le rapport infrastructures-superstructures. C’est au niveau de cette dernière qu’il se situe et s’articule avec les autres éléments sociaux, ceux de l’infrastructure, et qu’il révèle sa nature de paradoxe. Car c’est au moment même où la femme (féministe) refuse le rôle traditionnel qui lui est assigné dans le couple, la famille, l’école, la société, qu’elle fait son entrée dans la lutte révolutionnaire en assumant la part spécifique de cette lutte qui lui revient, c’est-à-dire une révolution culturelle. Le paradoxe du féminisme est que, se révoltant contre l’homme, la femme en même temps, le libère en participant à un processus global de transformation de la société.

Le féminisme est un concept d’une théorie scientifique de l’histoire qui doit être incessamment reprise, approfondie, en vue d’une socialisation non seulement économique mais politique. Étant entendu cette fois que la politique cesse de désigner des secteurs classiques et restreints de l’activité humaine, mais s’étend aux relations des individus entre eux et à la vie quotidienne, complètement transformée. Les rapports sociaux cessent d’être des rapports de domination.

Résumons : le féminisme, remise en cause des stéréotypes sexuels et culturels, refus des rôles traditionnels, ne se réduit pas à la seule contradiction homme-femme. Il s’articule et s’intègre au sein d’un rapport complexe qui est le rapport infrastructures-superstructures et non la seule lutte de classes ; il s’intègre à un processus plus vaste de mutation totale de la société, processus qui englobe toutes les contradictions. Ces contradictions (la contradiction homme-femme et la lutte des classes) sont interdépendantes dans cette mutation. La libération des femmes ne passe pas par la Révolution. Conjointement à la libération de la classe ouvrière, elle est cette Révolution. Les deux lignes de force essentielles de cette Révolution : la lutte féministe et la lutte ouvrière, ne sont pas parallèles mais convergentes vers un même but : un changement réel de société.

Le Féminisme ne peut être qu’une pensée libre et critique. En conséquence, les femmes remettent en cause et « les structures qui ont une influence sur l’homme et ne sont que le fruit du cerveau qui les crée » et « le comportement humain qui dépend, dans une large mesure, de ces structures » (France Thibault, 1972).

Publié dans Femmes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article