Pierre Dharreville -"En l'absence de monsieur J".

Publié le par bmasson-blogpolitique

« En l’absence de monsieur J »

De Pierre Dharreville.

2014

« C’est à travers les mots, entre les mots, qu’on voit et qu’on entend ».

Gilles Deleuze.

 

« En l’absence de monsieur J » aurait pu s’appeler « En l’absence de monsieur Jaurès ».

« Que s’est-il passé en son absence ?» that is the question.

Pierre Dharreville a imaginé un roman, à l’occasion du centenaire de sa mort et à partir des minutes du procès de l’assassin de Jaurès en 1919, minutes parues en 400 pages dans le journal l’Humanité.

Il ne souhaitait pas écrire une étude historique, mais plutôt révéler les zones d’ombres, les contradictions, les volontés politiques des dirigeants de droite de l’après-guerre, les failles du procès et pour cela, il a créé des personnages qui vont vivre avant et après l’assassinat de Jaurès qui a eu lieu le 31 juillet 1914.

Pierre Dharreville -"En l'absence de monsieur J".

Son assassinat est considéré symboliquement comme le premier jour de la première guerre mondiale. Un typographe et une journaliste vont se rencontrer autour du procès de Jaurès et vivront une histoire d’amour.

Jaurès était au départ de sa carrière politique un député républicain, et à ce titre, il peut être revendiqué par beaucoup de partis politiques français.

Concerné par la grève des mineurs de Carmaux, dans le Tarn, il adhère au socialisme et participe à la création de la SFIO en 1905. Jaurès était un orateur et un bretteur politique puissant et créatif. Il avait des visions fulgurantes. Mais, les révolutionnaires s’opposent à sa conception réformiste.

 

Jaurès savait que sa vie était menacée depuis de nombreuses années. Isolé sur les questions de la paix en Europe, il sera assassiné par Raoul Villain trois jours avant la déclaration de la guerre entre la France et l’Allemagne. De nombreux débats internes à la SFIO font rage durant de longues années et en 1920, la rupture sera prononcée et le Parti Communiste Français verra le jour.

 

Est-ce que Raoul Villain, l’assassin, souhaitait sortir de l’anonymat et entrer par ce geste dans la postérité ? Agissait-il pour son propre compte ou était-il l’outil d’autres forces politiques ? Quel destin connaîtra-t-il?

Cet homme attendra en prison la fin du conflit mondial pour être jugé et acquitté. Il avait aussi souhaité assassiner Guillaume II (Il est à son abdication en 1918 le troisième et dernier empereur allemand et le neuvième roi de Prusse). Contraint à l’exil devant l’hostilité des Français à son encontre, il sera à son tour assassiné pendant la guerre d’Espagne à Ibiza par les anarchistes en 1936.

Allemagne - Lindau

 

Quel était le but de ce procès où un criminel avéré est acquitté ? Démoraliser les forces de gauche ? Se venger ? Toujours est-il qu’il a duré une semaine et qu’il a vu s’affronter des forces politiques par l’intermédiaire des avocats des deux parties. La femme de Jaurès n’a pas souhaité témoigner lors de ce procès, peut-être avait-elle aussi la pensée prémonitoire d’un possible acquittement du meurtrier de son mari ?

D’autres procès retentissants ont eu lieu dans cette période.

Georges Clemenceau échappe à une tentative d'assassinat en février 1919. Cottin, un anarchiste, lui tire dessus. Clemenceau sera légèrement blessé à l'épaule. Le 14 mars 1919, Émile Cottin est condamné à la peine capitale par le 3e conseil de guerre de Paris. Quarante-deux jours après son incarcération à Melun, alors que le journal Le Libertaire fait une campagne véhémente de soutien à Émile Cottin au motif que l'assassin de Jean Jaurès venait d'être acquitté, Georges Clemenceau intervient en faveur de son agresseur auprès du Président de la République : Raymond Poincaré réduira la peine d'Émile Cottin à dix ans de réclusion et vingt ans d'interdiction de séjour

 

Au printemps 1921, les dadaïstes organisent le procès, présidé par André Breton, de Maurice Barrès, accusé de « crime contre la sûreté de l'esprit » ; Georges Ribemont-Dessaignes est l'accusateur public, la défense est assurée par Aragon et Soupault, et, parmi les témoins se trouvent Tzara, Péret, Drieu la Rochelle, Jacques Rigaut. André Breton expose ainsi l'acte d'accusation : « Le problème est de savoir dans quelle mesure peut être tenu pour coupable un homme que la volonté de puissance porte à se faire le champion des idées conformistes les plus contraires à celles de sa jeunesse. Comment l'auteur d'Un Homme Libre a-t-il pu devenir le propagandiste de l'Écho de Paris ? »

Cette manifestation, à l'issue de laquelle Barrès est condamné à vingt ans de travaux forcés, est à l'origine de la dislocation du mouvement dadaïste (1922), les fondateurs du mouvement (Tristan Tzara en tête) refusant toute forme de justice, même organisée par Dada.

 

Paul Doumer est mort assassiné à Paris le 7 mai 1932. Il était Président de la République française de 1931 à 1932. Son assassin connaîtra un sort moins envieux que ceux des précédents assassins. Paul Gorgulov sera guillotiné le 14 septembre 1932 à Paris. Il était docteur en médecine et de nationalité russe.

Au cœur de l’été 1933, un court article non signé paraît dans l’Humanité : « Un cheminot et sa femme sont trouvés agonisants rue de Madagascar ». Une lycéenne de dix-huit ans, Violette Nozières, raconte avoir découvert ses parents intoxiqués après une fuite de gaz. Le père meurt pendant son transfert à l’hôpital. « L’affaire reste très mystérieuse, écrit le journaliste Louis Aragon. S’agit-il d’un simple accident dû à une fuite de gaz ? Mais alors, d’où proviennent les blessures des victimes ? » Ainsi commence, en quatrième colonne de la première page de l’Humanité, l’histoire de Violette Nozières et de Louis Aragon.

Aragon se passionne pour le procès de Violette Nozières, parricide. Il y voyait un exemple de justice de classe. Après le procès, Aragon a quitté l’Humanité, avec laquelle il reste en collaboration régulière, mais le journaliste qui suit le procès déplore cette parodie de justice : « Le procès de Violette Nozières est fait. C’était celui de la société bourgeoise qui entretient le vice et le crime qui était à faire. » Les femmes n’étant plus guillotinées en France, la peine de mort sera commuée en travaux forcés à perpétuité. Libérée en 1945 après une détention « exemplaire », Violette Nozières sera réhabilitée en 1963.

Magritte et Violette Nozières (1933)

Alors que la presse et l’opinion publique rechignent à parler d’inceste et de viol, Breton, Eluard et leurs amis puisent dans ce fait divers matière à une plongée dans les turpitudes inconscientes de la sexualité bourgeoise. (…) Ange noir d’une société en crise, elle cristallise la critique viscérale de l’ordre bourgeois, de la famille et de la morale.

Page 228

Magritte

Par Michel Draguet

Folio biographies

Edition Gallimard - 2014

Pierre Dharreville -"En l'absence de monsieur J".

Du même auteur: "La laïcité n'est pas ce que vous croyez".

Publié dans histoire

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