Auguste Chabaud - André Derain
Le peintre Auguste Chabaud naît à Nîmes le 3 octobre 1882. Il évoquera dans de nombreux écrits et poèmes des souvenirs de sa petite enfance nîmoise, où les sensations de couler sont déjà présentes.
« Je me souviens aussi vaguement d’une fenêtre d’amis de laquelle nous regardions passer la procession, non, cette fois, dans une petite rue en pente, mais sur le grand boulevard où la procession plus à l’aise se déroulait avec l’ampleur d’un régiment tout blanc avec en tête un suisse tout rouge avec des broderies jaune de chrome, avec un chapeau à plume de général et sa hallebarde solennelle. Ces suisses, tout rouge c’est la coutume en Languedoc et je ne les ai plus retrouvés dans les processions et les églises de Provence.
Pour revoir quelque chose de comparable à un pareil suisse qui avait ébloui mon âme d’enfant, il a fallu qu’à vingt ans j’aille tirer mon congé en Afrique où j’en fus ébloui par le Tambour Major des Tirailleurs, habillé non de vermillon mais d’azur, bordé de tresses jaune de chrome, et maniant, non la solennelle hallebarde, mais une canne à grosse pomme d’or avec un gland. Bien qu’à cette époque je me disais antimilitariste, j’en fus émerveillé. »
Auguste Chabaud
Atelier de l’artiste - Graveson
La séduction du costume
Il est le cadet des deux fils d’une famille protestante. Durant son enfance, il passe ses vacances à Graveson, au mas de Martin, la propriété viticole que ses grands-parents paternels vont léguer à ses parents en 1893.
Il entre à quinze ans à l’école des Beaux-Arts d’Avignon, avant de s’installer à Paris en 1899. A l’académie Carrière, il rencontre Matisse, Derain*, Puy, Laprade. Il peint sur les bords de la Seine, en plein air.
Il s’embarque quelques mois comme pilotin sur un navire marchand partant sur les côtes d’Afrique de l’Ouest. Le suicide de son père le contraint au retour. Ne pouvant que rarement acheter toiles et couleurs, il dessine à cette période sur du papier de boucherie.
Il y croque la vie du mas, celle des travailleurs, des paysans, des bergers, des bêtes, du quotidien avec ses rituels, ses fêtes et ses drames. Sa faculté à saisir l’essentiel de cette vie rurale à travers les gestes et les attitudes est remarquable tant par sa force que par sa vision synthétique, la vivacité et la précision de son regard, son don de l’observation, sa mémoire visuelle, sa férocité et paradoxalement aussi par sa tendresse.
« Le peu que je sais, je l’ai appris non dans les ateliers suffocants où je n’ai pu vivre, et je m’en fais gloire, mais en suivant les laboureurs et les bergers. J’ai dessiné ce que j’ai vu autour de moi… Ces dessins de campagne ont été faits d’un cœur candide, loin de toutes fréquentations esthétiques. Ils sont comme le bosquet assez agréable dont est sortie la forêt plus farouche de mon oeuvre proprement dite. »
De 1903 à 1906, il fait son servie militaire en Tunisie, d’où il rapporte de nombreux dessins et des peintures de petites dimensions.
En 1906, il s’installe de nouveau à Paris et alternera jusqu’à la Première guerre mondiale des séjours parisiens et à Graveson.
Il élabore à cette période une œuvre puissante, directe, à la fois fauve et expressionniste qui le situe dans les rangs de l’avant-garde. Il fréquente le Moulin de la Galette, les maisons closes de Montmartre, qui deviennent ses sujets de prédilection.
Sa carrière se dessine à Paris avec celle des Fauves dès 1907 au Salon d’Automne, après les découvertes de l’Afrique et de la Tunisie. En 1913 il expose aux Etats-Unis aux côtés de Vlaminck, Derain, Matisse et Picasso.
Ses toiles des années parisiennes exhibent la vie nocturne : Montmartre, ses cabarets, ses cafés, ses théâtres et ses prostituées, à l’aide de couleurs vives, rayonnant dans la nuit jusqu’au sombre et au noir.
Ses tableaux de prostituées seront exposés au public quatre ou cinq ans avant sa mort, vers 1950, car il ne voulait pas blesser sa famille. Les contours des femmes et des personnages sont noirs. Il inscrit dans le tableau en lettres d’or les noms des hôtels, contraste avec la nuit.
« Comme tes cils sont longs, comme tes yeux sont beaux,
Tes grands eux noirs qui font ta peau encore plus pâle,
O ma prostituée trouvée dans le ruisseau,
Un soir que le ruisseau reflétait les étoiles.
Serre-toi contre moi et parle-moi tout bas,
Raconte-moi un peu ta lamentable histoire.
Dis-moi des mots, des mots que tu ne penses pas.
Je suis assez naïf, tu le sais, pour y croire.
De ce que tu me dis nulle chose n’est vraie ;
Mais, avec émotion j’écoute tout de même ;
Je n’ai qu’un seul désir, c’est me laisser tromper.
Dis, petite chérie, dis-moi tout bas ; « je t’aime »… »
Auguste Chabaud
Poésies sentimentales
1907
En 1919, il s’installe définitivement à Graveson, dans la propriété familiale dirigée par sa maman. Son père s’est suicidé après la crise du phylloxéra en 1900 qui détruit totalement les vignes et le ruine. Auguste Chabaud affrontera un autre malheur. Sa mère se suicidera aussi. Il se mariera, aura huit enfants et vivra en reclus, peignant sa « montagnette ».
Il a produit environ 15 000 œuvres : des poèmes, des sculptures, des dessins, des peintures.
Il meurt à Graveson le 25 mai 1955, à l’âge de 73 ans.
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André Derain
1880 - 1954
Les Naïades
1942 - 1945
Huile sur toile.
Fontevraud
Abbaye royale
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André Derain
1880 - 1954
Bateaux de pêcheurs à Collioure
1905
Huile sur toile
Paris, centre Pompidou - 2015
André Derain
1880 - 1954
Big Ben, Londres
1904
Huile sur toile
Musée des Beaux-Arts de Troyes
André Derain
1880 - 1954
Le faubourg de Collioure
Huile sur toile
Centre Pompidou
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Auguste Chabaud
Affiche à Nîmes
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Auguste Chabaud
1882, Nîmes – 1955, Graveson
La femme à la cigarette
1907 – 1912
Huile sur carton
De la fin 1906 jusqu’en 1912, il vit à Paris, dessinant et peignant sans relâche les bords de la Seine et les grands boulevards. Il restitue la vie nocturne, les milieux de la prostitution et des salles de spectacle. Ce portrait est halluciné, assemblé à la manière d’un collage de fragments corporels dissociés, traitant en gros plan et de façon crue chacune des composantes érotiques du modèle.
Musée Cantini
Marseille
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Auguste Chabaud
1882 - 1955
La fête populaire
1925
Huile sur carton
Fontevraud
Abbaye royale
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LE LION AMOUREUX ET LE LABOUREUR
Un lion s’étant épris de la fille d’un laboureur, la demanda en mariage ; mais lui, ne pouvant ni se résoudre à donner sa fille à une bête féroce, ni la lui refuser à cause de la crainte qu’il en avait, imagina l’expédient que voici. Comme le lion ne cessait de le presser, il lui dit qu’il le jugeait digne d’être l’époux de sa fille, mais qu’il ne pouvait la lui donner qu’à une condition, c’est qu’il s’arracherait les dents et se rognerait les griffes ; car c’était cela qui faisait peur à la jeune fille. Il se résigna facilement, parce qu’il aimait, à ce double sacrifice. Dès lors le laboureur n’eut plus que mépris pour lui, et, lorsqu’il se présenta, il le mit à la porte à coups de bâton.
Cette fable montre que ceux qui se fient aisément aux autres, une fois qu’ils se sont dépouillés de leurs propres avantages, sont facilement vaincus par ceux qui les redoutaient auparavant.
Esope.
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