Patrick Chamoiseau invité par le PCF à Avignon - Côte d'Ivoire
Le débat est introduit par Alain Hayot, responsable à la culture du parti communiste français.
Il est arrivé de la Martinique hier.
Pourquoi discuter avec lui ? Nous avons la volonté de reprendre la discussion avec Aimé Césaire interrompue dans les années 1950. Édouard Glissant avait fait une intervention remarquable et remarquée à l'université d'été de 2008. Nous sommes ravis que Patrick Chamoiseau ait accepté notre invitation.
Nous sommes confrontés à des difficultés qui concernent le monde avec notamment cette quête de sens qui est posée à tous.
« Le poétique précède le politique. C'est lui qui nourrit les hommes d'action (et les femmes aussi, NDRL). »
Nous sommes coincés entre l'égoïsme néo-libéral et les eaux glacées et purulentes des néo-populismes qui prolifèrent.
Le poétique humain.
Si nous regardons l'histoire de l'humanité, on s'aperçoit que toutes les sociétés archaïques, celles qui ont précédé le surgissement de l'état-nation, et qui avaient un système symbolique et sacré qui maintenait l'équation individuelle à sa basse intensité, nourrissaient la totalité de l'être humain.
Elles proposaient un savoir-faire, un savoir-être, un devenir, une reproduction de ce qui avait été acquis par la survie commune qui avait fait ses preuves, et conféraient à chaque individu une sorte de prêt-à-porter existentiel total.
Toutes ces sociétés étaient nourries économiquement par des échanges de dons, de contre-dons. Mais autour, il y avait un déploiement d'un système symbolique qui nourrissait l'individu par la sécurité, le boire, le manger, la dimension inconsciente, la dimension de l'esprit irrationnel ou démesuré de la situation humaine.
La colonisation depuis Christophe Colomb permet une mise en relation de la totalité des sciences et des cultures. Ce provoque une déconstruction symbolique de tous les corsets symboliques communautaires qui étaient liés à des systèmes très organisés et qui maintenaient les individuations à très basse intensité. Des individus qui vont être éjectés du confort communautaire vont devoir, pour exister, construire leur personne, dans un processus d'individuation. Glissant va explorer une réalité antillaise ou américaine, traitée par le pathos, l'accusation, la douleur, la dénonciation. Il va le prendre comme le lieu d'une fondation de la contemporanéité. Il va essayer de comprendre ce qui s'est passé dans la plantation esclavagiste américaine.
Tag à Marseille
Diables à Fontainebleau
Glissant va proposer une poétique bienfaisante pour nous. Il va dire que ce moment particulier où des millions d'Africains seront capturés sur les côtes de l'Afrique et qui vont être amenés pendant plusieurs semaines dans la cale du bateau négrier, est un moment qu'il ne faut pas négliger.
Glissant va en faire le lieu d'une refondation déterminante.
Ceux qui sont entrés dans la cale du bateau négrier et qui vont passer plusieurs semaines dans des conditions que l'on ne peut même pas imaginer, ni décrire et qui sont absolument épouvantables, ceux-là vont connaître un effondrement de tout ce corset symbolique communautaire. Les dieux, les diables, les démons, les cosmogonies, les prières, les scarifications, les statuettes, en plus de leur nudité (on leur retirait tous leurs effets), rien ne pouvait expliquer la situation dans laquelle ils se trouvaient.
Un tiers des gens mouraient à cause des mauvaises conditions, mais ils mouraient car Sapiens a toujours eu tendance à vivre non pas dans l'éco-système réel, mais à vivre dans un écosystème imaginaire. Homo-Sapiens se construit toujours une sorte de bulle de principes, de valeurs, de conceptions, dans laquelle il organise son rapport à ce qu'il ne peut pas comprendre du monde. C'est ce rapport qui le fait tenir debout et lui sert de colonne vertébrale à sa vie. Et lorsque ce corset symbolique basé sur des absolus s'effondre, il se retrouve complètement déconstruit dans une réalité que rien ne peut expliquer. C'est une mécanique de déshumanisation la plus profonde que l'on puisse imaginer. A ce moment-là, il y a une sorte d'effondrement psychique et biologique qui font que beaucoup se suicidaient ou mouraient de ce que les colons appelaient la « mélancolie noire ».
12 à 15 millions de personnes éparpillées sur les plantations caribéennes vont récupérer leur humanisation. Et c'est là que la chose devient importante. Ces gens, pour rester sur la réalité martiniquaise, vont être forcés de renaître, de retrouver un processus d'humanisation qui ne sera pas basé sur le système archaïque. Tout est déconstruit. Les ethnies et les langues sont mélangées, les dieux se fracassent. Chaque individu doit renaître avec un dispositif de stimulations autour de lui qui relèvent à la fois de la diversité africaine mais aussi de la diversité des colons européens et aussi de cette diversité des cultures amérindiennes qui ont été déconstruites et à moitié génocidées mais qui subsistaient autour des habitations.
Les productions culturelles produites dans les exploitations esclavagistes vont être les plus déterminantes pour les résistances face à la déshumanisation. Face à l’oppression esclavagiste, la plupart des esclaves vont entrer dans une opposition frontale et vont connaître un processus de marronnage, mais ceux qui vont rester dans la plantation vont élaborer de nouveaux systèmes culturels, de nouvelles productions avec une sorte de créativité absolument fondamentale. Ils vont recréer un processus d'humanisation de poétique humaine.
Ils vont proposer leur expérience de survie. Ils vont mélanger à un moment particulier leur solitude qui va devenir solidaire des autres solitudes qui s'expriment. C'est une modalité très contemporaine qui nous permet de comprendre les sociétés prises dans les phénomènes urbains. A partir des ports on va avoir un développement extrêmement rapide des systèmes urbains. Ils vont privilégier le confort de l'individu, favoriser l'individu et permettre l'individuation qui va être amené à sa plénitude.
Glissant se méfiait des valeurs. Il pense que le « vivre en relation » est extrêmement peu rassurant, difficile et complexe.
Tout un chacun essaie de poser des espaces partagés. Nous sommes précipités en-dehors des communautés. La rencontre des civilisations et des cultures se fait sur le mode de l'individuation. Chaque individu est obligé de construire sa personne dans des éco-systèmes urbains et non pas dans des communautés. Ça n'ouvre pas à du « vivre ensemble ».
C'est ce qui caractérise les sociétés dans lesquelles nous nous trouvons.
Glissant parlait de la mondialité.
Après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, le processus de mondialisation économique va effacer tout ce qui existait dans les imaginaires individuels et collectifs et tout ce qui concernait le poétique humain. La donnée économique va devenir la donnée centrale.
Avec l'effondrement de l'imaginaire humain, les individus se retrouvent à fonder leur solitude dans un concept symbolique qui est lié à la consommation et au pouvoir d'achat.
C'est le fondement même de la déconstruction du politique à laquelle nous assistons, et de l'irrationnel. Les accélérations techno-scientifiques et des systèmes médiatiques qui propulsent l'idéologie dominante se sont développés. Ils ne permettent pas à chaque individu d'arriver à cette plénitude. L'idée de démocratie suppose un individu arrivé à un niveau de connaissance, de conscience, de critique, de clairvoyance, de lucidité et d'analyse. Le pari de la démocratie est de parier sur le vote de chacun. On a veillé à ce que chacun soit suffisamment nourri et parvenu à une plénitude de ce qu'il peut être pour exercer une opinion, une volonté et exprimer un désir.
C'est le pouvoir d'achat qui remplace le désir. Toutes les politiques culturelles sont devenues des politiques marchandes et nous sommes dans une grande difficulté.
Les cadres communautaires ont été remplacés par un imaginaire purement économique. On a assisté à un effondrement des systèmes de représentation. On entre dans des égoïsmes, des solitudes, avec un taux d'empathie à l'autre absolument incroyable (pour ne pas dire inexistante, NDLR). Qu'est-ce qui surgit ? Les précarités, les misères, les SDF qui deviennent comme le mobilier urbain. Ce qui est symptomatique ce sont les gens qui meurent par milliers en Méditerranée. Ils constituent un arrière-plan de votre quotidien. Ça ne révolte que quelques dizaines de milliers de personnes qui se portent au-devant des victimes. Même si les organisations étatiques ou supra-nationales ne réagissent pas, il y a quand même ce fond de poétique humain qui permet à des milliers de personnes de ne pas perdre leur humanité et de se porter au-devant de ces migrants.
“Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors l’homme s’apercevra que l’argent ne se mange pas”.
Sitting Bull ou Taureau assis, né vers 1831 dans l'actuel Dakota du Sud et mort le 15 décembre 1890 dans la réserve indienne de Standing Rock, est un chef de tribu et médecin des Lakotas Hunkpapas. Il est l'un des principaux Amérindiens résistants face à l'armée américaine, notable pour son rôle dans les guerres indiennes et très particulièrement la bataille de Little Bighorn du 25 juin 1876 où il affronte le général Custer.
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Glissant proposait une poétique. Une vision du monde, non pas de la lucidité, du réalisme, du pragmatisme, mais en-dehors de toutes les contraintes imposées par le système symbolique économique. Proposer et impulser, non pas un système de pensée ou une pensée de systèmes, mais libérer un essaim de lucioles, libérer, non pas des horizons totalitaires, mais un essaim d'images.
Il faut imaginer un monde où les frontières ne fonctionnent pas comme des guillotines. Nous sommes capables de considérer que sur un espace européen où il y a plus de cinq cents millions de personnes hyper développées et hyper organisées, quelques milliers de migrants pourraient renverser ou faire disparaître des cultures ou des civilisations. Ce sont des peurs irrationnelles et irrecevables. Chaque être humain a au plus profond de lui l'accueil. Des milliers de personnes nous le montrent en France, en Italie et en Grèce.
L'utopie doit nous permettre d'associer le poétique et la beauté à chaque instant de notre vie. Sans apporter ni de recette ou de solution ou de système de pensée, c'est par là qu'on peut permettre à chacun d'imaginer d'autres possibles et de remplir l'horizon par une myriade d'images nouvelles.
La philosophie du marché néo-libéral a permis d'organiser l'élimination de toute forme d'intermédiaire entre l'individu et la sphère économique. Les partis se sont effondrés, les syndicats sont menacés, le code du travail ne sert à rien. La médiation n'est pas importante. Les états et les représentants de la nation viennent directement du système économique.
Quand vous voyez quelqu'un qui vous propose des solutions libérales, et qui vous dit que c'est la révolution et la modernité, il demande une soumission totale à une logique déshumanisante. Il faut du courage politique. Là, la difficulté apparaît. Le courage ne naît que de stimulations poétiques. Les nations sont des nations-relations. Le mouvement et la mobilité sont bienfaisants. On n'a plus besoin d'organiser des communautés autour d'un lieu, autour d'une langue, d'un dieu, de traditions. Tout ça est à la portée de tous. Il y a un trésor français, une culture, une expérience qui sont fabuleux. C'est à la disposition de tous.
l'Humanité.fr (@humanite_fr):
Selon une étude menée dans les gares parisiennes en 2009, les personnes perçues comme noires ont six fois plus de risques d’être contrôlées.
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Lille
Musée de l'Hospice Comtesse
Amérindiens
17e s
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Côte d’Ivoire :
Un syndicat de femmes a été créé pour que leurs préoccupations soient véritablement prises en compte. Depuis l’indépendance du pays, en 1960, aucune femme n’a jamais été à la tête d’un syndicat.
En Côte d'Ivoire, un syndicat pour défendre les travailleuses
Compte rendu Un syndicat de femmes a été créé pour que leurs préoccupations soient véritablement prises en compte. Depuis l'indépendance du pays, en 1960, aucune femme n'a jamais été à la...
Le président d’Haïti sur le sellette. Un an que de puissantes mobilisations sociales contre la cherté de la vie et la corruption secouent le pays . Ils réclament la démission de Jovenel Moïse, accusé d’avoir détourné des fonds des accords de coopération.
Source « L’Humanité »
09 19
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Le 16/05/1966, il y a 55 ans hier, disparaissait Suzanne Roussi-Césaire, intellectuelle martiniquaise auteure d’une œuvre brève mais fulgurante marquée par l’anticolonialisme et le surréalisme, longtemps demeurée dans l’ombre de son mari Aimé Césaire.
Avec lui, elle fonde en 1940 la revue Tropiques, qui sera interdite par la censure vichyssoise en 1943. Elle y développe sa pensée inspirée par Frobenius, Alain et le surréalisme, et défend une “poésie cannibale” en rupture avec la tradition doudouiste des écrits coloniaux.
Comme pour les sœurs Nardal et d’autres pionnières, sa pensée est aujourd’hui redécouverte dans sa complexité et son originalité, et a fait récemment l’objet chez Kartha Edition
d’une étude fouillée par l’historienne américaine Anny-Dominique Curtius.
Source Fondation pour la mémoire de l'esclavage.
Suzanne Roussi, dite Suzanne Césaire, née le 11 août 1915 au lieu-dit Poterie aux Trois-Îlets en Martinique et morte le 16 mai 1966 dans les Yvelines, est une écrivaine française et l'épouse d'Aimé Césaire.
La Martiniquaise Suzanne Césaire (née Roussi, 1915-1966), est décédée jeune mais qui a également vécu la fulgurance des mots.
Elle fait ses études supérieures à Toulouse puis à Paris, où elle rencontre Aimé Césaire. Suzanne Roussi a rencontré Aimé Césaire en travaillant avec celui-ci à la rédaction de la revue « L'étudiant noir ». Elle a éblouit André Breton, André Masson, Wifredo Lam et un certain Aimé Césaire.
Suzanne Roussi Césaire, épouse du poète-politicien Aimé Césaire fut cofondatrice avec lui de l'influente revue « Tropiques » des années 40.
Sur Internet, voici comment différents sites la présentent :
En négatif :
« Suzanne Césaire n'a pas été que la femme, l'inspiratrice et la collaboratrice d'Aimé Césaire et la mère de leurs six enfants.
Mise en lumière de la femme du plus grand poète noir d'expression française mondialement connu.
En positif :
La négritude au féminin : des sœurs Nardal à Suzanne Roussi Césaire.
Alors que la Martinique est sous le joug de l'Etat Français, Césaire publie avec sa femme Suzanne Roussi-Césaire,
Suzanne Roussi Césaire qu'Aimé Césaire avait épousée à Paris en juillet. 1937, de 1941 à 1945, publia l'essentiel de son œuvre.
Il est temps de sortir Suzanne Roussi-Césaire de l'ombre de son mari Aimé Césaire. Ce livre est à paraître cette année chez @KarthalaEdition .
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Maryse Condé.
Née en 1937 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, elle découvre étudiante à Paris le "Discours sur le colonialisme" d'Aimé Césaire, et prend conscience de sa condition de colonisée.
Dans le best-seller "Ségou" elle évoque l'Afrique qui bascule dans la colonisation. Militante de la mémoire, engagée contre le colonialisme, elle a été la 1ère présidente du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage. Elle est aujourd’hui membre du conseil scientifique de la FME.
Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
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Maryse Condé
Musée des Arts et Métiers
Paris
En 2008.
Par Ulf Andersen de Gamma.
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Aimé Césaire
En 1956, à la Sorbonne.
Premier congrès des artistes et des intellectuels noirs.
Musée des Arts et Métiers
Paris
Via Getty Image
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Edouard Glissant
24 mai 1999 à Saint-Malo.
Gamma- Rapho.
Musée des Arts et Métiers
Paris
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"Agit dans ton lieu, pense avec le monde".
Édouard Glissant
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La caméra du réalisateur s’attache à cinq femmes, quatre Ivoiriennes et une Burkinabée, de condition très modeste, qui portent sur leurs épaules «le fardeau de l’Afrique». Assumant le rôle de chef de famille, elles travaillent avec opiniâtreté et courage pour subvenir aux besoins des leurs et faire faire des études à leurs enfants.
(…) Depuis 1986, il (= Idrissa DIABATÉ, NDLR) a réalisé de nombreux films documentaires sur des faits de société en Afrique dont plusieurs ont été sélectionnés, et primés pour certains, dans divers festivals. Sa dernière réalisation, « Yankel ! L’Afrique à l’atelier », est sortie en 2010.
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