Rémy Herrera - La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis - Fête de l'Humanité

Publié le par bmasson-blogpolitique

La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis

Débat avec Rémy Herrera, Frédéric Boccara, Léo Charles et Gaël de Santis.

10H30 - Village du Monde

Rémy Herrera

Né en 1966 à Grenoble, de nationalité française, Rémy Herrera est économiste, chercheur au Centre national de la Recherche scientifique (CNRS).

Diplômé d’École supérieure de Commerce (1988), de l’Institut d’Études politiques de Paris (1990) et de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne (maîtrise de philosophie [1994] et doctorat d’économie [1996]), habilité à diriger des recherches à Paris 1 (2002), il dirige des thèses de doctorat au Centre d’Économie de la Sorbonne.

Rémy Herrera – Chine vs USA – Fête de l’Humanité – Les USA lancent les hostilités.

 

La stratégie de la Chine est complexe et inscrite dans des décennies de planification du développement. Elle est adaptée à l’agressivité montante de l’impérialisme états-unien. Ce sont les Etats-Unis qui ont lancé les hostilités et qui mènent les guerres au Moyen-Orient et en Asie centrale. Ce sont les Etats-Unis qui encerclent la Chine depuis le début de la Révolution.

La Chine souhaite poursuivre la croissance et le développement du pays au niveau économique, social. Dans mon livre, je défends la thèse que la Chine veut continuer la très longue et contradictoire transition socialiste. Il faudra prendre au sérieux les Chinois quand ils disent qu’ils continuent à marcher vers le socialisme. Des éléments importants fondamentaux de socialisme perdurent dans l’économie et la société chinoise.

Le protectionnisme pose moins de problème que la stratégie d’extra territorialisation des lois et des sanctions des Etats-Unis au reste du monde. Presque tous les pays du monde l’acceptent sans opposer de résistance sérieuse et solide. Va-t-on continuer à considérer que les lois Etats-uniennes valables sur leur territoire sont valables sur nos territoires ?

Les Etats-Unis ont lancé une guerre commerciale. Ce n’est pas une fiction. Les effets commencent à se ressentir en Chine et partout dans le monde, en particulier en Europe. On a passé un cran supplémentaire dans l’escalade de la guerre des monnaies. Quelle est la prochaine étape ? Ils font monter l’hostilité contre la Chine dans les médias avec Hong-Kong, avec les Ouïgours, avec les Tibétains si malheureux, avec le manque de démocratie, avec le contrôle social, avec le contrôle des réseaux sociaux, -parce que les GAFA ne nous contrôlent pas ?-  Le milliard de Chinois qui échappent aux GAFA sont maltraités.

Après la guerre commerciale et des monnaies, il y aura un durcissement. Les Etats-Unis sont en marche vers une guerre militaire. Je ne dis pas que l’histoire (ou l’avenir ? NDLR) est écrite. Ils ne vont pas y aller tout seul. La Chine est énorme. Elle a constitué un front anti-impérialiste. Donc, il faut travailler les consciences d’abord.

Cette marche vers la guerre militaire est liée à l’approfondissement du libre échange. Les Etats-Unis mènent des guerres sur une multitude de points du globe. Les formes ont changé. Elles sont faites par procuration en mobilisant des mercenaires. C’est la guerre contre le monde du travail aussi. Au sud, c’est la guerre militaire. Au nord, c’est la guerre sociale. On nous dit « Le protectionnisme de Trump, c’est mal ». Est-ce que le libéralisme prôné par Macron, c’est bien ? Le libre échange imposé, l’OMC – on va fêter les vingt ans de la bataille de Seattle qui était la première réaction de la jeunesse contre l’OMC- est un libre échange où seuls les Etats-Unis doivent gagner.

Pour gagner, comme ils sont « libres et démocrates », les Américains font comme chez eux, ils tirent sur tout le monde. On présente Trump comme un fou, comme à moitié caractériel, c’est en partie vrai. Mais Trump est le représentant d’une fraction de la haute finance états-unienne. Ce n’est pas monolithique. Ils ne sont pas « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » entre eux. La lutte des classes les concerne aussi. Trump représente la fraction qui n’est pas la plus puissante de la haute finance que j’appellerais « continentaliste ». Il veut relocaliser les firmes transnationales aux USA. Trump est en guerre contre la Chine et ses firmes trans nationales. Il veut recréer de la richesse aux USA et de l’emploi pour faire une économie prospère.

La finance « continentaliste » est en lutte avec la fraction de la haute finance qui dominait dans les pays du nord – Mexique compris- qui est « globaliste ». Ils ont leur entrée dans le parti démocrate. Le parti « le plus à gauche » est le « pire », le plus guerrier et pro-finance.

C’est une lutte de Titans qui se joue entre ces deux fractions de la haute finance américaine.

Le protectionnisme et le libre échange sont deux armes dans les mains de la bourgeoisie pour faire du profit, pour contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit. Je tente l’hypothèse suivante : c’est un crise commerciale auto-organisée et provoquée par les Etats-Unis pour dévaloriser du capital et pour relancer à la hausse le taux de profit, en rendant plus dure la concurrence entre capitalistes, aux Etats-Unis et au nord.

Ce n’est pas le libre échange qui a sorti de la misère des centaines de millions de Chinois. C’est le socialisme jusqu’à aujourd’hui. C’est la thèse du MEDEF : « Il est entendu que la Chine est capitaliste et c’est son ouverture au libre échange dans le cadre de l’OMC qui a permis la prospérité ». C’est un mensonge absolu. C’est l’attachement dans la douleur, difficile, contradictoire au socialisme. Je ne vous dis pas que c’est le modèle du socialisme. Mais la boussole est la transition socialiste.

 

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