La révolte

Publié le par bmasson-blogpolitique

La révolte

Texte de Villiers de l’Isle-Adam

Avec Anouk Grinberg et Hervé Briaux

C’est une pièce de théâtre au goût amer, écrite par un homme. C’est un témoignage sur l’état d’esprit de la condition féminine de soumission à un mari vers 1870.

Une femme quitte son mari et prend la parole pour expliquer ses rêves d’émancipation, mais sans pouvoir aller jusqu’au bout de ses désirs. « J’étouffe ici ! Je veux vivre ! » Mais son futur d’indépendance se borne à une vie solitaire dans une maison au fin fond de la Sicile ou de la Finlande sans sortie, ni bal, ni spectacle, ni amis. Enthousiasmant ? Pas trop…Pour son mariage, elle a apporté 200 000 F de dot. Il lui en reste 32 000, tous frais déduits, sa dette remboursée. Grâce au travail non rémunéré de sa femme et grâce à sa dot, le chiffre d’affaires du mari a été multiplié par trois en quatre ans. Il est gagnant.

Ce mari qui écoute cette femme désespérée reste calme. Est-il certain de l’issue ? S’il la savait capable de le quitter définitivement, garderait-il son self-contrôle ? Paternaliste, il supporte ses ‘enfantillages’, ses ‘babillages’. Il la regarde comme un être faible, versatile et indéterminé.

Le choix pour cette femme est simple : soit rester séquestrée et cloîtrée sans joie dans cet office pendant 10 heures par jour, soit vivre chichement et seule dans une petite maison. Elle a procréé une petite fille, mais n’a même pas les plaisirs de la maternité, par manque de temps.

Ce genre d’histoire est arrivé dernièrement à un jeune homme d’une vingtaine d’années en Provence qui n’avait pour seul horizon que le travail tous les jours dans le magasin paternel, sans aucune autre vie sociale. Un jour, il se révolta en menaçant de tirer sur tout le monde, ce qui l’amena devant les tribunaux qui furent clément avec lui, car le lendemain, la ‘crise passée’, il avait repris sa place dans le magasin, comme si de rien n’était.

C’est une pièce de théâtre sur le renoncement, le fatalisme ambiant, la révolte sporadique, le soubresaut de lueur de lucidité qui ne produisent rien de neuf. Elle rêve, mais, en 1870, on ne prononce pas encore les mots d’autonomie, d’ambition et d’indépendance féminine.

Cette histoire se termine par la défaite de cette femme, mais d’autres, après elle, marcheront vers moins de soumission et plus de liberté. Des femmes écriront elles-mêmes leur histoire.

Le jeu d’Anouk Grinberg est dans la retenue, la sobriété, le chuchotement, la colère, le désespoir et le détachement. Elle ne peut certes pas crier quand elle va renoncer à son idéal, humiliée. Je l’ai trouvée émouvante. Elle ressemble à un papillon pris au piège dans une maison et qui se cogne partout, ne trouvant pas l’issue de sortie.

Après le spectacle, j’entendais débattre sur le jeu des acteurs et le sujet de la pièce qui ne faisaient pas l’unanimité. Vive le débat.

Publié dans Théâtre

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